Dans un article paru très récemment dans la revue scientifique prestigieuse Recherche et Applications en Marketing, les chercheurs Andria ANDRIUZZI*, maître de conférences à l’Université Jean Monnet Saint-Étienne, chercheur au laboratoire Coactis (UJM / Lyon 2) et Géraldine MICHEL**, professeur à l’IAE Paris-Sorbonne, directrice de la Chaire Marques & Valeurs (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), s’interrogent sur les pratiques conversationnelles des marques et la perception qu’en ont les internautes.
Pour créer des relations fortes avec les consommateurs, les marquent développent leur présence sur les médias sociaux comme Facebook, Instagram ou Twitter. Respectent-elles les règles de la conversation ? Que se passe-t-il lorsque les marques suivent ces règles ou au contraire les enfreignent ? À travers cette étude menée en partenariat avec l’agence Entrecom, les chercheurs proposent un outil d’aide à la décision dans les domaines de la gestion de la marque et du community management, qui a plus que jamais le vent en poupe.
En se basant sur l’analyse de plus de 5.200 posts et commentaires en ligne, les deux chercheurs constatent tout d’abord que, dans ce qu’ils appellent la « conversation de marque », on retrouve les principes du face-work (ou travail de figuration, en français) cher au sociologue canadien Erving Goffman. Pour ce dernier, lors d’une interaction, les individus cherchent à faire bonne figure tout en faisant en sorte que leur interlocuteur ne perde pas la face.
Pourtant, les résultats de l’étude montrent que les marques s’affranchissent parfois de ces règles. Dans ce cas, elles risquent de s’attirer la colère des consommateurs en utilisant des formules très directives, habituellement mal perçues dans les interactions entre personnes. Est-il raisonnable d’ordonner aux consommateurs, en lettres capitales, « MAINTENANT C’EST A VOUS ! LIKEZ, COMMENTEZ ET PARTAGEZ ! », comme le font de nombreuses marques ?
A l’opposé, ils ont remarqué que les marques flattent parfois un peu trop les consommateurs, comme cette marque de gels douche qui déclare sa flamme à ses clients : « On vous adore ! Nous avons de supers ambassadeurs !! ». Mais au-delà de ces exemples caricaturaux bien réels, les deux chercheurs indiquent dans quelles conditions les marques peuvent transgresser les règles de la conversation et dans quel cas il vaut mieux s’y conformer, et pourquoi.
D’une manière générale, les marques gagneraient à éviter les formules trop directives, sauf quand les consommateurs visés connaissent et apprécient la marque. Une telle proximité rend les précautions linguistiques moins nécessaires, de la même façon que notre langage est plus relâché lorsque nous parlons avec des proches. Une autre situation implique aussi un langage direct et sans fioritures quand il s’agit de la résolution des plaintes des clients, dans le but d’apporter rapidement une solution efficace.
A l’inverse, les chercheurs préconisent aux marques d’éviter un usage abusif de messages trop valorisants envers les consommateurs ; ces derniers pouvant penser que les marques cherchent à les manipuler, bien conscients des enjeux commerciaux sous-jacents dans de tels échanges.
Pour gérer la conversation des marques dont ils ont la charge, les community managers ont donc tout intérêt à considérer les enjeux qui se jouent dans leurs interactions avec les internautes, tout en ayant en tête les spécificités des règles de la conversation dans un contexte commercial.
Andria Andriuzzi et Géraldine Michel définissent la conversation de marque comme « une suite de messages échangés en ligne et en public entre plusieurs individus, dont l’un représente une marque ». Il s’agit des situations où les internautes répondent aux messages postés par les marques sur les médias sociaux, par exemple sur leur page Facebook, ou des situations dans lesquelles les marques répondent à des messages postés par les internautes, comme par exemple dans le cas de plaintes sur Twitter.
*Andria ANDRIUZZI est maître de conférences en marketing à l’Université Jean Monnet Saint-Etienne et membre du laboratoire COACTIS (UJM / Lyon 2).
**Géraldine MICHEL est professeur de marketing à l’IAE Paris - Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et directrice de la Chaire Marques & Valeurs.
Références
Andriuzzi, A., & Michel, G. (2020). La conversation de marque : pratiques linguistiques sur les médias sociaux selon la théorie du face-work. Recherche et Applications en Marketing
- https://journals.sagepub.com/doi/epub/10.1177/0767370120962610
Version en anglais :
Andriuzzi, A., & Michel, G. (2020). Brand conversation: Linguistic practices on social media in the light of face-work theory. Recherche et Applications En Marketing (English Edition).
- https://doi.org/10.1177/2051570720974511
Contacts
Université Jean Monnet Saint-Étienne :
Sonia CABRITA / sonia.cabrita@univ-st-etienne.fr - 04 77 42 17 75 - 07 87 69 29 29
IAE Paris - Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne :
Dorothée TRANCART / trancart.iae@univ-paris1.fr / 01 44 08 11 89